E. Wonyu : “il faut se mettre en posture de dialogue”

Dr Emmanuel Wonyu est enseignant de Politique Internationale et de Relations Internationales à l’IRIC. Il donne sa vision du grand dialogue national qui s’ouvre lundi 30 septembre au palais des congrès de Yaoundé. 

Comment en arrive-t-on à ce dialogue ?

Dr Wonyu : Depuis trois ans, le dialogue est une demande au plan national et international. Le dialogue national offre donc une occasion unique à tous les acteurs du conflit et la communauté nationale de s’exprimer. L’annonce du Chef de l’État le 10 septembre dernier vient après un certain nombre de mesures qui ont été prises depuis les premières revendications des avocats et enseignants. Notamment, plusieurs missions sont descendues sur le terrain pour essayer de dissuader ces compatriotes qui sont allés dans une phase radicale de sécessionnisme.

Lesquelles ? 

L’ancien Premier Ministre, les élites du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les Chefs traditionnels, la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme, l’actuel Premier Ministre, tous ont essayé. Il ont essayé d’échanger avec nos frères du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il ont échangé avec ceux-là qui ne veulent plus rester dans le Cameroun. Après toutes ces tentatives, tous ces combats et leur lot de dégâts matériels et humains, il était temps de passer à ce grand dialogue qui était tant attendu.

 Que doit-on réellement comprendre par grand dialogue national sans exclusive ?

Dr Wonyu : Il faut dire que le Chef de l’État est allé au-delà des attentes. A ce dialogue, il a clairement dit qui sera invité : chefs traditionnels, société civile, hommes politiques, l’État. Il y a en plus d’autres acteurs. Ce sont les forces de sécurité, les victimes, ceux qui ont pris les armes contre la République, et la diaspora.

Après le message du 10 septembre, on a assisté à des actes de violence dans les régions concernées?

Dr Wonyu : Un discours seul ne peut pas suffire à arrêter un conflit. Il y a beaucoup de gens qui tirent profit de cet état. Une guerre engage des moyens financiers lourds, et donc coûte cher à l’État. Beaucoup de personnes ne s’imaginaient pas que ce dialogue pourrait avoir lieu. la diaspora militante, les médias  et le monde politique ont animé ce débat jusqu’à l’exacerbation des tensions. Ils devraient savoir que pour donner une chance au dialogue, à sa réussite, chacun devra ajuster son ton et sa posture.  Il faut apprendre à faire des compromis et des gestes sincères d’apaisement. A ce jeu politique du dialogue, tout compte : les paroles , les actes, les symboles, les non dits et même la sincérité.

C’est à dire ….

C’est un grand moment politique en mondovision, mieux qu’à la tripartite.  Et chaque acteur  devra savoir que les camerounais et le monde nous regardent; l’histoire nous jugera si on échoue. Évitons la roublardise politique et les petits calculs. Il faut penser au Cameroun, à l’avenir de nos enfants. Au delà des apparences, les camerounais peuvent se parler enfin sincèrement et résoudre leurs problèmes. Sinon ce sera la porte ouverte au devoir d’ingérence de la communauté internationale, qui est aux aguets. Et il faut bien comprendre qu’on ne fait pas un dialogue avec des amis, mais bien avec quelqu’un avec qui on ne se parlait plus. 

Quelles sont toutefois les chances de réussite de ce dialogue ?

Dr Wonyu : Ce qui est important, pour que le dialogue réussisse, c’est la présence de tous les acteurs conviés. S’il y en a qui ne sont pas présents, ça peut poser des problèmes. L’Etat, les chefs traditionnels, mais surtout les ambazoniens doivent être là.  Qu’ils viennent expliquer ce qui peut faire qu’un citoyen prenne les armes contre son pays. Que les camerounais de la diaspora en viennent s’en prendre aux ambassades de leur pays à l’étranger.  Dans ce dialogue, chacun entendra le point de vue de l’autre.

Vu le contexte, les acteurs impliqués, notamment les activistes ont certainement besoin d’une garantie sécuritaire.

Dr Wonyu : Effectivement, l’Etat va sans doute donner discrètement des gages de cette sécurité aux ambazoniens et à la diaspora proche des sécessionnistes. Je pense qu’en dehors de la diplomatie visible (à travers le ballet de personnalités qui vont à la rencontre du Premier Ministre), il y a autre chose. un Chef d’Etat du niveau du nôtre, ne peut pas convoquer une réunion aussi importante et stratégique sans qu’il n’ait de diplomatie souterraine. Le président est entouré dans son premier cercle de diplomates et de hauts fonctionnaires aguerris.

Ces gens qui travaillent en sous-mains dans une diplomatie parallèle efficace pour que nous ayons quelques surprises de taille au moment du dialogue avec des invités inespérés et inattendus. Les contours de ce grand débat se dessinent de jour en jour avec un certain sérieux. Ces contours respectent la feuille de route du discours présidentiel de cadrage du 10 septembre dernier. Nous sommes donc bien loin des états généraux du Cameroun dans lesquels certains voulaient nous entraîner.

Entretien mené par Vanessa Onana

 

 

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