Réseaux sociaux: l’utilisation massive fragilise

Dans un ouvrage dont la coordination a été assurée par Maurice Simo Djom, 21 contributeurs ont réalisé 28 chapitres regroupés en 4 challenges pour diagnostiquer l’impact des réseaux sociaux sur nos vies.

 

28 chapitres regroupés en 4 challenge dans un ouvrage de 325 pages. C’est l’essentiel de « Les réseaux sociaux, Ce qu’ils ont fait de nous et ce que nous devons en faire », rédigé par un collectif coordonné par Maurice Simo Djom  et qui est récemment sorti aux éditions Afrédit, annoncent tout un programme. Et pour réaliser son défi de créer les modalités d’une meilleure appropriation de nos plateformes digitales, le Project Manager Maurice Simo Djom, a fait appel à des profils variés : des journalistes, des bloggeurs, des enseignants, des chefs d’entreprises, des informaticiens, etc. En tout 21 contributeurs qui, animés par le souci d’un projet de connaissance sur les réseaux sociaux, analysent la question à travers plusieurs perspectives. Leur conviction est simple et son élaboration s’inspire de la boutade sartrienne mise en exergue dans la quatrième de couverture : peu importe ce que les réseaux sociaux font de nous, nous pouvons en faire mieux.

Le livre est structuré autour de quatre grandes parties désignées comme des challenges  : le challenge normatif, qui pose les fondamentaux d’une régulation de la vie virtuelle ; le challenge philosophique, qui analyse l’impact des réseaux sociaux sur les comportements humains en rapport avec les valeurs communes ; le challenge professionnel qui décrit le potentiel des réseaux sociaux en termes de création de richesses et enfin le challenge international qui analyse le rôle de plus en plus prépondérant des réseaux sociaux sur la scène internationale, à la fois comme acteurs et territoires des rivalités de puissance.

Le challenge normatif

L’épineuse question de l’hygiène des publications sur les réseaux sociaux est le fil d’Ariane des 10 contributions de cette partie qui est la plus longue. Le challenge s’ouvre sur deux articles portant sur la question du partage. « Du partage au Social Sharing » de Maurice Simo Djom et « Pour un partage plus hygiénique » d’Assongmo Necdem décrivent la tendance morbide et maladroite à partager tout et n’importe quoi sur la toile. Scènes effroyables de guerre, absence de pudeur, atteinte aux bonnes mœurs, les auteurs rêvent d’une pédagogie du Social Sharing qui est une activité plus gratifiante, plus salutaire et plus saine. Avec « Le filtrage des réseaux sociaux : enjeux et techniques », Gilles Wambo, ingénieur informaticien, saisit la balle au rebond pour sensibiliser les internautes sur l’urgence d’un contrôle personnel de leurs espaces sociaux.

Les comportements troubles « Connexion des déconnectés » de Caleb Nsalembi ou « A qui la faute et que faire ? » de Kisito Hona font l’objet d’une analyse fine qui conclue au réveil de la responsabilité parentale face à ces outils séduisants mais dangereux.

« La politique de confidentialité de Facebook de Mabah Ornella Laure ; « Comprendre le besoin d’un organe de régulation externe de Facebook » d’Idriss Linge ; « La régulation de l’information sur les médias sociaux… » de Francis Adolphe Bitjocka ; « Trois défis à relever : la réglementation, la régulation et l’éducation fait par Edwige Akamba, s’interrogent sur les autres niveaux de contrôle des réseaux sociaux et indiquent les responsabilités des socionautes, des gouvernements et des réseaux sociaux eux-mêmes.

Le challenge philosophique

Maurice Simo Djom inaugure ces contributions philosophiques par une réflexion sur l’exercice du jugement personnel à l’épreuve de la post-vérité. Il définit d’entrée de jeu la post-vérité comme une représentation subjective et volontairement biaisée de la réalité.

Jean-Marie Mollo Olinga, chercheur en Histoire des Relations internationales et en Science politique s’intéresse aux raisons profondes de la déliquescence de l’intimité sous l’influence des réseaux sociaux. Les autres réflexions de ce challenge apportent une touche toujours plus philosophique en temps qu’ils questionnent ce qui semble aller de soi : « Ces réseaux sont-ils encore sociaux », s’interroge Yannick Achille Fogne. Peut-on avoir 5000 amis, se demande ironiquement Maurice Simo Djom. Peut-on déposer son album photo (intimité) au marché ? questionne Jean-Marie Mollo Olinga. Qui est responsable quand ce n’est « ni vu ni pris » ?…

Le challenge professionnel

La troisième partie du livre analyse la plus-value professionnelle des réseaux sociaux. Les 9 auteurs de cette catégorie fondent leurs analyses dans le potentiel économique de ces plateformes virtuelles. Annie Payep-Nlepe, journaliste et productrice camerounaise, présente, dans son article « Quelques ficelles du métier d’influenceur », le vivier économique que représente le métier d’influenceur web. Magloire Tchepmo, journaliste et auteur de « Leurres et lueurs du journalisme citoyen », analyse quant à la mutation des rapports du public à l’information sous l’influence des réseaux sociaux.

L’optimisme de Franck Mensa Gampson, entrepreneur du web, n’a d’égal que la verve d’Erick Dzoyem qui analyse avec froideur l’activité digitale du chef de l’Etat camerounais dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle relève plus de l’information propagandiste que la communication pour ne pas dire de la communion. Si Adamou Petouonchi décortique l’empreinte numérique et met en garde les chercheurs d’emploi sur les dangers d’une activité imprudente sur les réseaux sociaux, Laurice Eteki quant à lui regrette que la productivité du travail ait subi un coup dur avec l’arrivée de ces outils qui nous éloignent de nos objectifs personnels. Le sort de l’administration publique dans ce tourbillon a intéressé Benjamin Ombe et Célestin Tsadjia qui appellent à plus de sérieux et à plus rigueur dans la circulation des documents administratifs.

Le challenge international

La quatrième et dernière partie du livre pose un pied dans le champ des Relations internationales pour analyser la portée transnationale des réseaux sociaux. Cette partie est d’autant plus intéressante qu’elle livre des réflexions captivantes sur la cyber puissance, la radicalisation (Mabah Ornella Laure) et la géopolitique (Magloire Tchepmo). Dans son texte « Un nouveau gouvernement du monde : la cyber puissance », Maurice Simo Djom démontre l’influence notable de Facebook sur la scène internationale et la menace que cela fait peser sur la souveraineté des Etats.

L’ouvrage fait un diagnostic profond de la question pour arriver à la conclusion selon laquelle malgré leur nocivité, les réseaux sociaux représentent une opportunité à plusieurs égards. Il suffit de se les approprier sainement pour découvrir les multiples trésors qu’ils renferment. Mais pour l’instant, les contributeurs regrettent que personne n’ait encore vraiment pris conscience de la tâche. Chaque jour qui passe déroule ses scandales de photos de nus, de cadavres, de corps déchiquetés dans des accidents, ou d‘attaques terroristes, etc. L’excuse de l’ignorance des enjeux des réseaux sociaux n’est plus possible. Avec cet ouvrage qui a fait l’effort de fouiner l’essentiel des angles du problème, plus personne ne dira : « Je ne savais pas. »

Jeanne Ngo Nlend

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