Des funérailles intellectuelles pour un baobab
Le colloque de trois jours organisé en hommage au regretté Pr Jean Marc Ela, sociologue et théologien de grande renommée s’est achevé ce vendredi 08 Octobre à Yaoundé.
Il fut assurément l’un des penseurs parmi les plus féconds et les plus lucides de la question sociale. C’est la raison pour laquelle ce grand moment de reflexion lui a été dédié et les débats portés essentiellement sur les grands problèmes sociaux de l’heure. Près de cinq cent participants ont ainsi pu croiser le verbe et émettre leurs différents points de vue sur ces sujets cruciaux .
Les tensions sociétales
Le moment était particulièrement attendu par le sociologue Valentin Nga Ndongo qui s’est félicité de l’aboutissement heureux de ce projet mis en “jachère” depuis des années. Il a donc profité de l’occasion pour entretenir l’auditoire de l’amphi 700 de l’Université de Yaoundé I, sur “Le lien social en contexte de tensions sociétales”. Le professeur relève en effet que le monde est devenu instable, se brutalise et s’enlise inexorablement jour après jour sur le plan politique, culturel, militaire, économique et médiatique. Pour lui, cette réalité contemporaine en permanence marquée par la crise et la cruauté, devrait amener les uns et les autres à se demander comment le lien social peut se transformer en facteur de division et même de conflit.
Concernant particulièrement le Cameroun, l’intellectuel remarque que notre pays est une société en mal de consensus. Il ajoute que l’on assiste à une simple juxtaposition d’une pluralité de communautés et d’ethnies avant d’ajouter que l’État projette de lui-même le cliché d’un bien privé patrimonial, d’un gâteau national à partager entre ces différentes communautés. Heureusement, relève-t-il, le Cameroun tangue mais ne coule pas.
Criminalisation du social
Pour le professeur Motaze Akame, l’Afrique est connue pour être le reflet et la traduction d’une relation d’interdépendance avec les autres individus et avec la société. Or, aujourd’hui plusieurs maux viennent gangrener cette société :
-Dans la société civile, la corruption devenue endémique pénètre toutes les couches sociales.
-Sur le plan institutionnel, le rapport citoyen-fonction publique est devenu un rapport de clientèle.
-La distanciation entre la classe dirigeante et le citoyen lamda
-La transgression du social en matière de sexualité avec l’homosexualité
-La compétition pour les postes qui entraîne des pratiques obscures et mystiques dans les bureaux.
Que faire dès lors, l’enseignant en service à l’Université de Ngaoundéré propose une révolution en Afrique avec un accent mis sur un retour à nos traditions ancestrales.
Les médias sociaux
Seulement, l’on ne saurait arrêter l’évolution, d’où notamment l’émergence des médias sociaux. Parlant de cette problématique, le Pr Laurent Charles Boyomo Assala, universitaire spécialiste de la Communication, a déploré le fait que les zones d’ombre soient relativement nombreuses en la matière. Des écrits inquiétants, parfois euphoriques et même catastrophiques sont régulièrement observés. L’usage de ces outils fait pourtant de plus en plus d’adeptes avec une couverture qui s’élève aujourd’hui à 99% avec 26 millions de Camerounais qui ont désormais accès à un mobile, neuf millions et demi d’internautes, soit 34% de la population camerounaise auxquels il faut ajouter cinq millions d’utilisateurs des réseaux sociaux.
Le problème ici étant, selon l’ancien directeur de l’ESSTIC, le niveau d’appropriation de l’outil par ces utilisateurs. Heureusement, observe-t-il, d’autres outils ont été conçus afin d’éviter que des individus basculent dans la violence sauvage. Cependant, il relève qu’une meilleure appropriation de ces médias sociaux pourrait donner lieu à la création d’un réel contre pouvoir.
A la fin des travaux, les participants se sont dit satisfaits de ce dialogue scientifique qui s’est avéré productif au vu de toutes les idées mises sur la table pour une meilleure construction de l’Afrique.
Aline Nguini